La Rolling Stone du Val de Bagnes de Pascale ROCARD©Office du tourisme de Val de Bagnes
Les 2 extraits sonores:
1° Partie : de FIONNAY au BARRAGE
Je suis « la Pierre qui roule » qui entraîne ton pas. « Serpentine » est mon nom, mais pour toi, je serai « La Rolling Stone du Val de Bagnes ».
Je lance le rock de la marche et serpente avec toi sur le sentier qui mène au lac de Louvie.
La mémoire se réveille :je suis le choc des deux plaques africaines et européennes. Toi, le voyageur, qui vient peut-être de loin aussi ou au contraire toi d’ici, qui aime tant le fond de ta vallée, roulons ensemble, qui que tu sois, suis-moi.
Devant toi, la cascade rafraîchit nos mémoires. Une cascade de prestige inventée par l’homme juste pour toi, quand tu passes.
Au bord des sentiers, regarde ma compagne de voyage « la saxifrage » cette fleur blanche et délicate, et la gentiane aux couleurs bleues, mémoire océanique.
Regarde tout au long de la montée, elle nous accompagne, elle chante le bleu, elle chante l'océan oublié.
Ainsi tes pas remonterons l'histoire du temps et des hommes jusqu'au lac de Louvie. Si les elfes des montagnes sont avec toi, j’appellerai alors la pierre qui danse sur l’eau sous le croissant de lune, et je te dessinerai le chemin qui mène au col du Bec d’Aigle. Nous roulons ensemble vers ces sommets, chaque chemin révèle peu à peu ses secrets.
L'orage peut nous surprendre à la descente, qu'importe sa colère, abritons-nous aux écuries de Sovereu. Ces îtres de Bagnes, où mes sœurs les pierres sèches s’enroulent, elles aussi, autour de la clé de voûte et abritent les souvenirs des bêtes et des hommes. Dans cette maison, qui a résisté aux temps, écoute la mémoire des cailloux, mes frères, c'est leur roche calchiste qui résonnent de l'Antique.
Plus tard tes pieds sur mon corps de pierre, nous poursuivrons jusqu’à Bonatchiesse, je te présenterai à mon ami le bolet de Sibérie embrassant son inséparable ami l’arole, cet arbre qui pousse le plus haut, avec sa senteur particulière de résine.
Toujours plus près du barrage de Mauvoisin, sur la dalle de Madzeria, tes mains enlacent la roche de calcaire, tu découvres les sensations de la grimpe et la sensualité de mon frère le rocher qui préparent aux frissons.
Après, tu me suivras sur le vieux pont de Madzeria où son histoire de cailloux se souvient encore de la débâcle du glacier du Giétro. N'aie pas peur et ose la « Via Ferrata » pour découvrir ensemble la verticalité de mon corps de falaise, roche des anciens océans, sa gorge, tatouée de pitons et d'acier, résonne de tes rires et de nos frissons de joie jusqu'au barrage.
Passons ensemble le grand mur qui marque le milieu de notre vallée de Bagnes.
Réjouis- toi encore. Notre balade est infinie, la Rolling Stone n'en finit pas de poursuivre sa route.
2° partie du BARRAGE à CHANRION
Le barrage dessine ces courbes vers le ciel et nous traversons ensemble ces entrailles de béton.
Puis, nous sommes tour à tour tunnel de pierres froides et noires, ou murs poudrés de salpêtre dans les entrailles de la montagne pour renaître de l'autre côté du monde.
A nos pieds, le lac habillé de vert laiteux du limon millénaire, nous offre sa fraicheur. N'entends-tu pas les sirènes-édelweiss qui entament leur chant sur les rochers de « Pierre à vire » ? Touche-les seulement du regard, car autrement elles t’ensorcelleront.
Mais Chanrion nous appelle. Continuons notre chemin en un rock endiablé vers ses cimes, pas après pas, vers le ciel. Tu reconnaîtras le glacier du Giétro, avec sa lame de glace, discrète sur ma peau de rocher. L’être humain que tu es, n'a plus peur désormais de ses séracs si petits aujourd’hui.
Le glacier se retire doucement. Peut-être pour se faire pardonner d’avoir englouti notre vallée ? Oui, c’est lui maintenant qui a peur de toi ! Ne l’oublie pas dans ta quête.
Tu passes ton chemin et tu le laisses à son sort pour nous baigner dans ces pentes de fleurs, celles qui explosent les couleurs : folie florale d'été, mariage intense des jaunes de « l’hugueninie » à feuilles de Tanaisie, aux bleus et aux violets de notre gentiana à feuilles d’asclépiade.
La Rolling Stone, que je suis, passera à la valse des couleurs au rythme des arc-en-ciel de fleurs. Cette marche embaumée du soleil au zénith, parfum qui nous accompagne jusqu'au plateau de Chanrion, lieu mystique aux pieds des Combins.
Assieds-toi l’ami et attend le gypaète barbu, le plus grand planeur des Alpes. Si ton cœur est pur, il viendra, ainsi que les bouquetins ou le tichodrome l’oiseau-chanteur.
À Chanrion, le minéral est roi, les aroles ne montrent plus leurs aiguilles tendres de conifères. Je te laisse contempler mon royaume de pierres jusqu’au glacier d’Otemma, dont les cicatrices se parent de fleurs et de mousses. Je regagne ma tanière de gneiss près de la prise d’eau du glacier.
Voyageur, redescends dans la vallée avant l'hiver, enrichi de ce poème des fleurs. Moi-même, je m'y roule parmi elles, avant de glisser à ma source : les falaises de serpentine vertes et émeraudes.
Rapidement l’hiver apparaît chargé du bonheur de la neige. La vie sauvage, tout empoussiéré de blanc enfin tranquille, s’ébroue ou s’endort. Mes amis les bêtes sautillent ou se terrent. Les grenouilles se lovent dans mes bras de rochers ou sous les lacs gelés. La nature, tout entière, réinvente son monde entre avalanches sonores, ou mélodie douce des poudreuses hivernales.
Ainsi, je regarde apaisée un troupeau de chamois courir vers les sommets et je laisse glisser, à mes côtés, le lagopède tout aussi blanc que ce décor immaculé.
Moi, la Rolling Stone du Val de Bagnes, je m’enroule de pureté pour attendre ton retour.