J'ai vu les yeux des femmes apeurés. Elles étaient nos mères ou nos grands-mères, points noirs amassés dans la gare.
Je n'ai pas vu leurs hommes disparus dans la nuit, simplement leurs regards.
Plus tard, plus loin, j'ai reconnu un petit d'homme solitaire et hagard au milieu des femmes. Avec son teint de perle, camouflé par la  fumée intermitente du train et de sa vieille locomotive, il semblait flotter sur l'un des quais.  Il ne cherchait personne. Il s'arrêta et regarda cette foule comme autant de mères possibles. Il a semblé disparaitre d'un coup. Intrigant ce petit bout d'âme au milieu des départs.
Quand je quittais le grand hall de la gare , il n'y avait plus rien d'anormal , simplement des taxis  à la file indienne comme une journée ordinaire de 1986. Le petit garçon avait depuis très longtemps disparu et les regards des femmes n'était qu'un trait douloureux dans ma mémoire.
 
26 Mars 1986 ©Pascale Rocard